- RAY (JEAN)
- RAY (JEAN)RAY JEAN RAYMOND MARIE DE KREMER dit JEAN (1887-1964)Jean Raymond Marie de Kremer naît à Gand, le 9 juillet 1887.Sous le pseudonyme de Jean Ray, il fait paraître, en 1925, aux éditions de la Renaissance du livre, à Bruxelles, les Contes du whisky . Dans les tavernes des ports flamands, le whisky délie les langues; au hasard des rencontres, l’auteur recueille des récits étranges de marins. Telle la brume venue de la mer envahissant lentement les ruelles du vieux port, dans ces récits s’insinue subrepticement une autre réalité imperceptible, intercalaire, dont la logique propre déroute, perturbe la raison raisonnante, «un monde voisin invisible, impénétrable pour nous parce qu’étant situé sur un autre plan». Mais ce premier livre ne rencontre guère de succès, aussi Jean Ray se cherche-t-il un autre public.Sous le pseudonyme de John Flanders, il séduit par son réel talent de conteur un vaste public d’adolescents. Il écrit un nombre incalculable d’histoires, de nouvelles qui paraissent dans des hebdomadaires, des revues: Le Journal de Gand , Mercure de Flandres , Le XXe Siècle , Bravo et même Tintin , etc. La plupart sont écrites en néerlandais et certaines ont été traduites en français et publiées sous les titres: Le Carrousel du suspens (1970), Contes d’horreur et d’aventures (1972).En 1932, les éditions de l’Abbaye d’Averbode sollicitent sa collaboration pour les séries «presto-films» et «Vlaamse Filmpjs», romans pour jeunes, d’une trentaine de pages: 165 titres furent édités de 1931 à 1964; sous les titres suivants: Mystères et aventures (1946), Un roman de la mer (1957), Hirro l’enfant de la jungle et Les Prisonniers de Morstanhill (1959), La Porte sous les eaux (1960), paraissent des recueils de ces petits romans.Toujours vers 1930, Jean Ray commence à réécrire, plutôt qu’à traduire, les aventures d’Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain. La série originale paraît en Allemagne avant 1914. Vers 1909, quelques aventures traduites en français paraissent chez Fernand Laven, dans la série «Les dossiers secrets du roi des détectives». Jean Ray signe un contrat qui doit faire de lui le traducteur en français de ces 178 fascicules, récemment traduits de l’allemand en néerlandais.Mais Jean Ray n’accomplit pas seul ce travail, d’autres traducteurs et auteurs y participent, ce qui explique l’inégale valeur des fascicules de cette série, les meilleurs portant la griffe de Jean Ray.Publiés anonymement par Romn, Beek-en-Kunsthandel à Amsterdam et distribués par H. Jansens à Gand, ces fascicules ont posé aux multiples amateurs dont font partie François Lelionnais, Raymond Queneau, Alain Resnais, Boris Vian, de sérieux problèmes d’attribution.Dans cette série d’aventures policières, Jean Ray donne au fantastique une place de choix. La toile de fond est ce Londres un peu sordide de la fin du XIXe siècle que Dickens, en qui Jean Ray reconnaît un de ses premiers maîtres, avait si mystérieusement décrit. Ainsi, Harry Dickson se mesure à de nombreux et dangereux criminels: à Mystéras, au vampire qui chante, à Georgette Cuvelier; il ne refuse jamais de lutter contre toutes sortes d’entités, hommes, démons, demi-dieux, qui se jettent en travers de son chemin. Il allie à de sérieuses connaissances scientifiques une intelligence pleine d’astuce et un courage à toute épreuve.Mais Jean Ray n’abandonne pas pour autant l’écriture de purs récits fantastiques: en 1932 paraît un recueil, La Croisière des ombres , où une de ses plus célèbres nouvelles, La Ruelle ténébreuse , est publiée; en 1942, Le Grand Nocturne ; en 1943, Le Cercle de l’épouvante, Malpertuis , La Cité de l’indicible peur ; en 1944, Les Derniers Contes de Cantorbury ; en 1947, Le Livre des Fantômes ; en 1964, Le Carrousel des maléfices et Les Contes noirs du Golf .Dans son chef-d’œuvre, Malpertuis , le lecteur passe sans coup férir du plus naturel au plus inadmissible, du plus fabuleux au plus infernal. Une étrange poésie de la peur nous envoûte encore plus violemment que dans les autres récits de Jean Ray. «Elle est là, avec ses énormes loges en balcons, ses perrons flanqués de massives rampes de pierre, ses tourelles crucifères, ses fenêtres géminées à croisillons, ses sculptures menaçantes de guivre et de tarasques, ses portes cloutées. Elle sue la morgue des grands qui l’habitent et la terreur de ceux qui la frôlent. La façade est un masque grave où l’on cherche en vain quelque sérénité. C’est un visage tordu de fièvre, d’angoisse et de colère, qui ne parvient pas à cacher ce qu’il y a d’abominable derrière lui.» Telle est Malpertuis, la demeure de l’épouvante où se sont réincarnés des dieux de l’Antiquité.Jean Ray meurt en 1964, à soixante-dix-sept ans, quand il commence à acquérir une large audience qui ne cesse de croître grâce aux rééditions de ses œuvres entreprises par les éditions Marabout, puis par Le Masque.Jean Ray a toujours soutenu que les multiples aventures qu’il raconte lui sont vraiment arrivées. Il aimait à se présenter comme un vieux loup de mer qui, très jeune, avait répondu au grand appel de sa race: la mer. En fait, il était plus un homme de port qu’un vrai marin. Il a surtout voyagé en rêve et regardé partir maints bateaux pour de lointaines destinations.Fascinés par son œuvre, des cinéastes l’ont porté à l’écran: Harry Kumel a tourné Malpertuis , Jean-Pierre Mocky La Cité de l’indicible peur , la Télévision belge s’en est inspirée pour de nombreux courts métrages et films.Créée dès 1970 à Louvain, une fondation Jean-Ray s’attache à faire connaître l’œuvre de Jean Ray-John Flanders.
Encyclopédie Universelle. 2012.